Auch accueillait du 6 au 10 avril le 15ème festival national du film d’animation. Cette manifestation organisée par l’AFCA (Association Française du Cinéma d’Animation) permet tous les deux ans de faire un point sur la production animée française (surtout au niveau des courts métrages et des films de fin d’études, la télé n’envoyant que très rarement ses productions à la sélection, ce qui est fort regrettable !).
Le bilan de cette 15ème édition est clair : si le milieu de l’animation est en pleine crise financière il ne l’est pas du côté de la création, on y a vu beaucoup de films admirablement réalisés et surtout l’utilisation des techniques les plus diverses, les meilleures surprises venant comme d’habitude des films d’étudiants.

Le palmarès reflète assez bien cette diversité même si au final le grand vainqueur du festival est l’Ecole National Supérieur des Arts Décoratifs (ENSAD). En effet l’une des meilleures écoles d’animation voit plusieurs de ses élèves (anciens ou actuels) remporter de nombreux prix. Tout d’abord dans la catégorie Court métrage où deux anciens élèves remportent un prix : le très sensuel Des Calins dans les Cuisines de Sébastien Laudenbach en dessin sur papier, et Arthur de Pins avec sa remarquable Révolution des Crabes, réalisé en Flash, et enfin un troisième remportant une mention : Jérémy Clapin et sa magnifique Histoire Vertébrale réalisée elle par ordinateur avec un rendu 2D. Du côté des étudiants on retrouve l’ENSAD avec le remarquable Pistache de Valérie Pirson, qui rafle trois prix ! (Meilleur film étudiant, Prix SACD et Prix Jury Jeune). Avec cette moisson de prix (6 sur les 12 donnés) l’Ensad prouve bien la finesse de son enseignement !

Les autres films ayant été récompensés sont le très esthétique et social Raging Blues dans la catégorie Court, Cavanimox et Un gros billet dans la catégorie Etudiants, ce dernier remportant aussi le prix SACD ex aequo avec Pistache.Du coté de la télé Jean Jacques Prunès, après avoir été récompensé l’année dernière, double la mise avec Cheval Soleil.

Mais un festival ce n’est pas qu’un palmarès, et cette année encore il y avait pleins de films à voir à Auch. Commençons par le début…

La cérémonie d’ouverture, bien sûr, au cours de laquelle on a pu voir notamment, Les Locataires d’à côté, un film d’Emile Cohl de 1909, et si la copie était très abîmée, toute l’invention de l’un des pères fondateurs de l’animation était bien présente ! (son petit fils a d’ailleurs annoncé qu’il travaillait avec la Gaumont pour restaurer une grande partie des films de son grand père). Dans ce film un couple curieux des bruits qu’ils entendent chez leurs voisins décide de creuser un trou dans le mur pour jeter un coup d’œil. Des surprises les attendent…

Au niveau de la compétition et du panorama, les membres du jury de sélection avaient particulièrement bien brouillé les pistes cette année !! Car si la frontière entre les deux sections est toujours très fine - la compétition étant censée représenter l’excellence et le panorama ce qui est intéressant à voir -, cette année cette fronière était particulièrement opaque, posant la question, finalement de l’utilité d’une section panorama !
Donc en plus des primés on a surtout pu remarquer cette année en sélection l’excellence des films d’étudiants : The Hell’s Kitchen de Benjamin Bocquelet et Renaud Martin qui commence comme un film catastrophe et finit en film expérimental ; Les Oreilles n‘ont pas de paupières d’Etienne Chaillou, un film magnifique sur la musique dans les camps de concentration ; La Migration Bigoudenn d’Eric Castaing, Alexandre Heboyan et Fafah Togora, d’une grande poésie aérienne sur la transmission de la recette des crêpes, et enfin Overtime d’Oury Atlan, Thibaut Berland et Damin Ferrié un film magnifique en hommage, à Jim Henson, le créateur des Muppets,, mais aussi à la création artistique en général et au désarroi des "créatures", ici des marionnettes, lorsque leur créateur cesse d’exister  !
Les films d’étudiants ont encore prouvé, comme à chaque festival, leur maturité dans leur propos et leur intelligence dans l’utilisation des techniques.
Du coté des professionnels sortent du lot : le très beau Chat Bayoun, un spécial Tv de Iouri Tcherenkov narrant la difficulté d’un roi à marier sa fille, l’étrange même si pas complètement réussi L’Impasse de Laurent Lafontas ; et bien sûr Le Portefeuille de Vincent Bierrewaerts qui raconte une même histoire avec des prises de décisions différentes et leurs conséquences.

Dans la section Panorama, on retiendra, notamment, chez les étudiants le très poétique Ascio de Mathilde Philippon-Aginski, l’histoire d’amour de Bascule de Sebastien d’Abrigeon, le très drôle Quarks d’Ivan Felbabel. Pour les pro : le très ludique Les devinettes de Reinette d’Isabelle Duval et Eric Parizeau, série pour les enfants dans laquelle ceux-ci doivent trouver un nom sous forme de devinette (la réaction bruyante mais enjouée des enfants dans la salle prouve que la série fonctionne !), La Routine de Cedric Babouche, qui sur un sujet un peu bateau - un être tente de casser son quotidien kafkaïen - réussit un film à l’ambiance moite et convaincante. Nous retrouvons également les multi primés L’Inventaire Fantôme de Franck Dion et Signes de vie d’Arnaud Demuynck. Rajoutezà cela deux très inventives bandes annonces pour le festival Fantasmagories et vous comprendrez qu’il ne fallait louper aucun programme du panorama cette année à Auch !

On signalera aussi la présence de trois films magnifiques en panorama : L’Enfant sans bouche de Pierre-Luc Granjon, racontant l’histoire d’un enfant qui n’a pas de bouche, et Un lapin aux grandes oreilles, un film magnifique qui traite d’un sujet difficile, l’autisme, comme peut si bien le faire l’animation : avec finesse, poésie et maîtrise du sujet. Le troisième est une adaptation du célèbre texte de Gogol : Le Nez. Et ce film est sûrement l’une des plus belles découvertes de ce festival. Car le réalisateur, Jean Charles Finck, réussit le tour de force de créer un superbe film d’animation avec uniquement des images fixes, ou presque. Et si le fait que les intervalles n’existent pas pourrait nuire au mouvement d’ensemble du film, c’est bien le contraire qui se passe car ce que perd Jean Charles Fink dans la construction traditionnelle du mouvement il le retrouve aux travers des formes, des couleurs et surtout du rythme qu’il impose à son film. Son film devient alors fascinant, une vraie réussite !

En ce qui concerne les programmes spéciaux, on remerciera les organisateurs de nous avoir fait découvrir ou redécouvrir les films de Raimund Krumme, réalisateur adorateur des formes, des espaces, et de la perspective. Il réussit à mélanger tout cela de manière subtile, virtuose et ludique ! Autre surprise l’hommage à Jacques Rouxel, le père des Shadoks, grâce à la découverte de ses films de commande, intelligents et drôles à la fois ! Pour finir saluons l’excellente idée du panorama sur le cinéma expérimental, mené de main et surtout de voix experte par Sébastien Ronceray de l’Association Braquage, qui nous a permis de découvrir tout un pan du cinéma d’animation que l’on ne voit pas assez en festival !

Donc Auch 2005 aura été un festival, encore une fois plein de découvertes et de confirmations. Un festival à échelle humaine où œuvres et réalisateurs sont à portée de main et de discussion des passionnés de l’animation !

 

Le palmarès complet passe le 26 avril 2005 au Forum des images. Pour les autres c'est à Toulouse (Cinémathèque) le 15 avril, le 10 mai à Angoulême (salle Némo Cnbdi), le 17 mai à Saint Etienne (Cinémathèque) et le 31 mai à Bruxelles (Cinéma Arenberg Galeries).

 

 

 

Il n’y a plus de « Grand Prix ». Jusqu’à trois films peuvent être primés dans chaque catégorie. Courts métrages (indépendants) et films d’étudiants seront récompensés sous forme d’aides à la diffusion (participation au kinescopage, tirage de copies, sous-titrage…), tandis que les prix des films de télévision seront honorifiques.
 
Prix du meilleur Court-Métrage
 
Des câlins dans les cuisines
de Sébastien Laudenbach, Magouric Productions

(voir le film)
Raging Blues
de Vincent Paronnaud et Lyonnel Mathieu, Je Suis Bien Content
La Révolution des crabes
d'Arthur de Pins, Métronomic

(voir le film)

 

Mention Spéciale
Une histoire vertébrale
de Jérémy Clapin, Strapontin

(site officiel)

 

Prix du meilleur Film d'Etudiant
Pistache
de Valérie Pirson, ENSAD

(voir le film)
Cavanimox
de Frédéric Barbe, Fabrice Senia, Hannibal Poenaru et Cyril Tchernomordik, EESA
Un gros billet
de Frédéric Martin, École Émile Cohl

 

Prix du meilleur Film Télé
Cheval-soleil
(spécial TV) de Jean-Jacques Prunès, Films de l’Arlequin

 

Prix SACD du meilleur film de fin d'études
Pistache
de Valérie Pirson, ENSAD

(voir le film)
Un gros billet
de Frédéric Martin, École Émile Cohl

 

Prix Emile Reynaud
Riba
d'Yves Dalbiez, Élise Garcette et Laurent Leleu, Supinfocom

(site d'Yves Dalbiez)
L’Éléphant et les quatre aveugles
de Vladimir Petkevitch, Nikita animation

 

Prix de la Jeunesse
Pistache
de Valérie Pirson, ENSAD

(voir le film)