Un héros à la croisée de deux mondes

 

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Pour ceux qui connaissent la programmation de Cartoon Network, il n'est pas rare d'y trouver une perle rare. Après nous avoir donné des séries aussi non-sensique que Cléo & Chico, Monsieur Belette, ou des séries faisant appel à des références de films traditionnels comme Pinky and the brain et bien sûr Les Supers nanas, dont le premier long-métrage arrive sur nos écrans à la fin août. La nouvelle bonne surprise de Cartoon Network arrive cet automne et s'appelle Samuraï Jack.L'idée de départ est assez simple : un jeune prince au Japon voit son père disparaître lors d'un combat contre le Mal absolu, représenté par un monstre répondant au nom d'Aku. Le jeune prince va dès lors s'entraîner aux quatre coins du monde pour anéantir une fois pour toutes Aku. Lorsqu'il revient de son périple le jeune homme est devenu un véritable guerrier et il est prêt à l'affronter, mais alors que Samuraï Jack va le terrasser, Aku ouvre une brèche dans le temps, et projette le samouraï dans le futur. Dans ce futur le monde est dominé par des robots à sa solde. Samuraï Jack devra alors combattre une armée de robots lancée à ses trousses, tout en essayant de retourner à son époque. A partir de là, chaque épisode tournera toujours autour du même déroulement, une histoire simple et beaucoup de combats.

 

 

Samuraï Jack est une série est très documentée, chaque épisode aurait, par exemple, sa propre technique de combat. Le tout étant assez fidèle à un certain esprit asiatique. Le héros, très puissant est aussi pleins de faiblesses qu'il doit maîtriser s'il veut progresser dans son art, thème récurrent dans le cinéma d'arts martiaux asiatiques. Le questionnement est de mise et l'abnégation une obligation, dans l'un des épisode il s'attaque à une tour au sommet de laquelle se trouve un puits qui exauce un vœu, après un combat acharné il finit par l'emporter. Arrivé devant le puits, les 3 gardes lui expliquent qu'ils voulaient devenir les meilleurs guerriers, et c'est le puits qui les a transformés, mais pour les mettre à sa charge. Se rendant compte du malheur que pourrait continuer de faire ce puits, il préfère le détruire, et ainsi perdre une de ses chance de pouvoir rentrer à son époque.

La série utilise souvent des références croisées. Dans ce même épisode au moment de l'attaque de la tour il se rend compte que les gardes ne voient pas et qu'ils ne sont guidés que par leurs ouies, il se rappelle donc de son entraînement en Chine, où son maître lui avait enseigné qu'un grand guerrier se doit d'être en harmonie avec tous ses sens pour être efficace. Il décide donc de se bander les yeux et de combattre à armes égales avec les gardes. Etre en accord avec la nature est l'un des fondements de quasiment tous les arts martiaux, mais pour ceux étranger à la culture asiatique, on retrouve ce style d'entraînement dans La Guerre des Etoiles. On retrouve cette double référence dans un autre épisode, dans lequel Samuraï Jack doit combattre son coté obscur crée par Aku. Il finira par vaincre non en combattant mais parce qu'il se rend compte que son double est né de la haine qu'il a en lui, mais à partir du moment où celle-ci le quitte, son adversaire n'a plus de raison d'exister. La croisée de deux mondes se retrouve aussi dans le fait que Samuraï Jack projeté dans le futur combat des robots. Mais de l'aveu même du créateur de la série, ce n'était pas sa volonté première, il lui était tout simplement impossible de faire combattre Samuraï Jack à des humains, le dessin animé s'il s'ouvre un peu plus aux adultes, notamment grâce à certains dessins animés japonais reste avant tout un support pour les enfants, espérons que cela change un peu , le temps de Fritz the Cat paraît bien loin ! On pourra aussi regretter certaines facilités et une imagerie un peu caricaturale un peu trop proche de la série Kung Fu.

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Une vraie série d'animation

L'intelligence du créateur de Samuraï Jack, Genndy Tartakovsky est d'avoir basé toute sa série sur des vrais partis pris d'animation et de réalisation, ce qui est rare pour ce genre de produit. Tout d'abord l'animation, ce n'est bien sur pas dans le mouvement qu'il faut rechercher l'originalité, nous sommes dans une série télévisée et il faut faire le plus économique possible, mais Genndy Tartakovsky s'en tire plutôt bien car il adapte le rythme de ses histoires et de sa réalisation à cette obligation, d'autant plus qu'en simplifiant l'animation et les personnages l'on s'approche du style développé par UPA dans les années 50, et pour les décors de court-métrage comme le génial What's Opera, doc ? de Chuck Jones. En effet la série joue énormément sur le contraste des couleurs, n'hésitant pas à mélanger des couleurs vives entre elles et jouant sur le contraste entre les décors et les personnages. Ce contraste est encore renforcé par la profondeur de champ constamment utilisé. Dans Samuraï Jack, les personnages ne se fondent pas dans le décor, et même s'il s'agit d'animation traditionnelle, certains moments pourraient faire penser à de l'animation de papier découpé. Bien évidemment Genndy Tartakovsky fait souvent appel à des ombres chinoises. Seuls les expressions de Samuraï Jack, trop exagérées, trop cartoon, ne correspondent pas au personnage, celui-ci s'apparentant à des héros qui par tradition ne montre que très rarement leurs émotions, comme Itto Ogami, le héros des films Baby Cart, ou le personnage joué par Clint Eastwood dans les westerns de Sergio Leone. L'animation sert aussi comme médium pour transmettre aux spectateurs des informations avant que celle-ci soit expliqué par les dialogues. Dans l'épisode où Samuraï Jack se bat contre son double, son changement d'attitude est d'abord compréhensible par la transformation du paysage d'arbres en feu en une cascade. De même pour l'entraînement les yeux bandés, on assiste à une très belle scène en vue subjective. Samuraï Jack met un bandeau, l'écran devient noir et nous découvrons avec lui ce qu'il croit comprendre des sons qu'il entend autour de lui, jusqu'à ce que l'écran redevienne normal car il ne fait plus qu'un avec son environnement. L'animation reprend ses droits et ce n'est plus l'écrit, aux travers des dialogues, qui raconte l'histoire mais bien l'image.

 

 

 

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Une réalisation très influencée

L'un des autres point fort de Samuraï Jack est sa réalisation. On pense bien sur au génial Sergio Leone, l'utilisation occasionnelle d'un faux cinémascope ne fait qu'accentuer cette impression. Surtout que Genndy Tartakovsky n'hésite pas à utiliser toute la largeur de l'écran, comme le faisait admirablement Sergio Leone. Dans la première scène d'un épisode, Samuraï Jack doit traverser un pont, on est souvent en plan large et on le voit avancer d'un bout de l'écran à l'autre. Lorsque sur ce pont il rencontre quelqu'un, le plan nous les montre chacun à un bout de l'écran. Et comme souvent chez Sergio Leone notamment au début d'Il Etait une Fois dans l'Ouest, il y a souvent un montage rapide de gros plan de visages. Mais nous sommes dans une série d'influences asiatiques, et il faut donc aussi regarder vers ce cinéma pour trouver d'autres emprunts, notamment au travers des nombreux ralentis utilisés, non pas comme dans certaines séries pour masquer une mauvaise animation, mais pour mieux amplifier un mouvement et à la manière de la série des films Baby Cart, Genndy Tartakovsky joue la surenchère dans les combats, le nombre d'ennemis que semble pouvoir combattre Samuraï Jack paraît infini. Par contre l'utilisation des split-screen perd de son originalité à force d'être constamment répété. Une série à part Le son n'a que très rarement une véritable importance dans la conception d'une série animée, à part de rare exception, comme dans Les Simpsons, pour la musique. Dans Samuraï Jack le son joue un rôle prépondérant. Les dialogues sont ramenés à leur plus simple expression, et donc les bruitages ont une part importante dans la bande son. Lors de la traversée du pont évoqué un peu plus haut, et qui se situe au début de l'épisode il y a presque quatre minutes sans dialogues et sans musique uniquement rythmé par les pas de Samuraï Jack sur le pont et le bruit du vent, cette atmosphère n'est brisé que par un son de cornemuse, et il faudra attendre encore une minute pour entendre les premiers dialogues. Procédé couramment utilisé dans grand nombre de films asiatiques, et bien sur repris plusieurs fois par Sergio Leone, le silence est rarement un élément constitutif d'une série animée, mais dans Samuraï Jack, c'est un véritable acteur à part entière. Il en est de même pour le temps, les scènes d'introduction sont souvent très lente et permettent de mieux appréhender la fureur des combats qui va suivre. Juste un petit bémol en ce qui concerne la musique qui contraste trop avec le reste. Malgré sa tentative de mélange de différentes inspirations ( Japonaise, Hip Hop, Musiques traditionnelles diverses) , elle n'apporte rien à la série, si ce n'est un public qui pourrait être trop décontenancé par le manque de dialogues. Surfant sur la vague asiatique qui a envahit aussi bien le monde du cinéma d'animation, que celui en prise de vues réelles, Samuraï Jack, malgré ses imperfections est une série importante car elle remet au premier plan ce qui est fondamental dans le cinéma d'animation, l'image, et le rapport qu'elle peut avoir avec le son. Ce qui est suffisamment rare dans une série télévisée pour qu'on y prête attention et qui a d'ailleurs été couronné lors du dernier Festival d'Annecy par le Prix Spécial pour une Série TV.

Alexis Hunot

 

 

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