Alexis Hunot : Il n'apparaît aucune image de Disney dans votre livre, les cases sont vierges. Que s’est il passé exactement ?
Olivier Cotte  : La réaction de Disney-France a été une surprise pour moi. En effet, je leur avais soumis un texte que j'estimais (et estime toujours) objectif : un texte d'historien. La direction de la communication désirait vérifier d'ailleurs les exactitudes historiques, il est évident que j'étais d'accord sur le principe, au contraire même. Mais rapidement, les modifications se sont portées sur la manière de présenter le personnage et la production, au mieux pour eux évidement. Et j'ai du réécrire le texte 3 fois... pour finalement être rejeté par Disney-France et me voir empêché d'acheter les droits de reproduction de leurs images pour le livre. J'ai été déçu, évidement, car comme vous l'avez vu, 2 oeuvres de chez Disney font partie de ma très subjective sélection des 50 meilleurs films de tous les temps, preuve que j'aime et respecte une large partie de leur travail. Il reste évident malgré tout que tout homme, quelque soit son talent, ne peut sur une telle durée et avec une telle production, avoir réussi tous ses paris. C'est par exemple ce que j'ai exprimé en disant que la production des années 70 était moins intéressante que celle des années 30 et cela n'est pas passé. A l'heure où cette maison perd chaque jour des parts de marché et que leurs films souffrent d'un manque de définition générale, je trouve que cette attitude ne les sert pas. Surtout que je n'ai pas voulu diminuer le talent ou les qualités de Walt Disney, au contraire, sinon, j'aurais parlé des études de certains historiens faisant référence aux rapports de Disney avec l'extrême-droite américaine dans les années 30, ou de ses rapports avec le FBI et le Maccartisme, ce que je n'ai pas fait puisque je voulais que ce livre ne traite purement que d'animation en évitant les conflits inutiles.

Vous n’hésitez pas à donner votre avis sur certains auteurs, aussi bien pour les critiquer que pour les encenser...
O.C.  : Comme je le disais concernant Disney, avec ce livre mon désir était d'écrire un ouvrage objectif offrant des repères concrets pour le curieux et l'amateur. C'est un travail d'historien. Mais dans le même temps, j'aime peu l'esprit universitaire que je trouve souvent trop 'froid' et j'ai voulu faire partager de manière humaine cette passion qui m'anime. Et puis, ce n'est pas parce qu'un auteur réussit trois films que son quatrième est obligatoirement également parfait, si je le disais, il y aurait tromperie. J'ai préféré tout remettre à sa place, à mes risques et périls. Et le faire de manière personnelle. Bien sûr, on peut trouver là une subjectivité. Je suis humain. Comme je l'ai écrit au début : "l'objectivité n'est que la somme des subjectivités ignorées". J'assume et comprend que les avis puissent différer.

 Passionné comme vous l’êtes, n’avez vous pas eu une certaine frustration de ne pas avoir pu parler de certains auteurs plus en détails ?
O.C.  : Un livre comme 'Il était une fois le dessin animé', malgré l'état des lieux exhaustif, ne peut être complet. C'est pour cela que je prépare d'autres ouvrages plus ciblés permettant d'aller plus profondément dans certains sujets traités dans l'encyclopédie. En 350 pages, et avec l'amour que l'on a de cet art, on ne peut être que frustré, même en citant près de 2500 films et 1500 acteurs de cette forme de cinéma. Ces autres livres (j'en ai bien une demi dizaine en écriture) sont à paraître pour bientôt j'espère, et l'on aura la possibilité d'en reparler plus tard !  

Il y a déjà le livre sur David Ehrlich…
O.C.  : La monographie consacrée à David Ehrlich constitue l'un des approfondissements de l'encyclopédie. J'étais entré en contact avec David lors de la rédaction de l'encyclopédie, comme bien d'autres réalisateurs, afin de me renseigner sur lui et son travail. Le contact avait été si amical et si passionnant que j’aie eu l'idée de lui consacrer un livre entier. Il a accepté et nous sommes tous deux aujourd'hui assez satisfaits du travail. En plus, il est rare d'avoir la possibilité de publier un ouvrage traitant de cinéma non narratif, expérimental, comme celui-ci. J'ai beaucoup appris de cette rencontre. C'est un livre très important pour moi, à un niveau personnel.  

Si vous deviez choisir 5 films  ?
Faire une sélection d'île déserte est difficile. Il y a eu tant de chef d'oeuvres en un siècle ! Néanmoins, je citerais, Damon de George Dunning, un film parfait qui démonte le procédé de l'animation avec poésie ; Blinkity Blank de McLaren, le chef d'oeuvre d'un génie ; Le roi et l'oiseau de Grimault, avec son animation si 'liquide' ; Sysiphus de Jankovics, une pièce d'animation au de-là des espérances ; et Tango de Rybczynski pour l'émotion existentielle qu'il procure.  

…il était une fois le dessin animé

Ne vous laissez pas tromper par le titre qui est en couverture de ce très beau livre, car le vrai titre se trouve à l’intérieur : Il était un fois le dessin animé…et le cinéma d’animation. Car bien évidemment si ce livre est important c’est qu’il couvre tout le domaine de l’animation.

Ce livre se base sur un vrai travail de recherche et de documentation, il regorge donc d’informations, pour autant l’auteur n’hésite pas à exprimer certaines prises de position, ce qui, même si vous n’êtes pas toujours d’accord avec lui, rend le livre très vivant. Plutôt que de commencer par l’historique, Olivier Cotte nous plonge dans les différentes techniques qui font la richesse et la diversité du cinéma d’animation, détaillant chacune de celles-ci de manière très accessibles, et accompagnées d’exemples visuels. Puis vient l’historique et l’évocation des premiers essais et bien sûr des premiers maîtres : Emile Reynaud, Winsor Mc Cay… Le reste du livre est constitué de 5 grands chapitres : Les Etats-Unis, l’ONF/Canada, l’Europe, les pays de l’est, le reste du monde. Toutes ces parties sont traitées da manière chronologique, et font une place importante aux auteurs qui sont cités avec leurs œuvres principales. Dans la dernière partie il est même question de pays dont on entend que très rarement parler, pour cause de productions trop faibles, et qu’il est bien intéressant de voir exister dans un livre de référence comme celui-ci. En appendice on trouvera la liste des courts-métrages primés aux Oscars et dans certains festivals.

Un livre sur l’animation se doit d’avoir une belle iconographie, et c’est le cas pour ce livre. Vous y trouverez des photos d’animateurs au travail, des model sheet, des croquis préparatoires, des affiches originales et bien sûr de nombreuses photos tirées des films. L’éditeur Dreamland ayant, malheureusement dû fermer boutique, le livre d'Olivier Cotte est difficile à trouver. En attendant qu’une maison d’édition le réédite, n’hésitez pas à l’acheter d'occasion si vous en trouvez un exemplaire !

Alexis Hunot